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Chouchou, Porte de Clichy
C’est un matin d’octobre. Le jour n’est pas encore levé. En attendant l’autobus, on avise un peu plus loin dans le boulevard les clignotants d’un camion. On devine qu’il livre le supermarché d’à côté. On ne voit que l’avant du véhicule mais ce qu’on ne peut pas rater c’est un néon rose flamboyant au fond de la cabine qui dessine le nom « Chouchou ». Puis une silhouette ouvre la portière pour reprendre le volant et on ne sait comment, on comprend que c’est une femme.
Evidemment quand on est dans une Fédération de transport, mille questions surgissent : à quelle heure a-t-elle pris son service ? Quelle est sa vie ? Y avait-il quelqu’un pour recevoir la livraison ? Je précise tout de suite qu’on s’interrogerait de la même façon si cela avait été un homme. Déformation professionnelle oblige.
Mais la seule certitude, c’est que ce néon rose, fièrement allumé dans la cabine, dit une chose : « C’est mon camion. ».
Sur la route, on en croise aussi avec leur surnom (parfois baroque) affiché derrière le pare-brise. On en sourit. C’est la preuve d’une identité de métier. Celui de routier qui désigne, dans notre secteur, la personne qui conduit. La presse confond trop souvent sous la même appellation l’entreprise de transport et le personnel de conduite.
Le transport routier de marchandises... Des entreprises de transport et leurs personnels qui livrent à toute heure, tout le temps. Un monde humain, avec des vrais gens qui bossent au service de tous. Comment on dit chez nous, « Si vous l’avez, c’est qu’un camion l’a apporté ». Mais dans le camion, il y a quelqu’un.
D’ailleurs on ne dit pas « chauffeur routier ». Cela fait longtemps qu’on ne chauffe plus un camion. On dit « conducteur ».
Et quand on parle des conducteurs, cela inclut les conductrices, mais on utilisera selon la grammaire française, le terme générique qui veut que « l’homme comprend la femme » (ce qui est pure fantaisie, on est d’accord …).
Ceci dit, on n’oublie pas comment ces mêmes conducteurs ont été traités durant la crise sanitaire avec interdiction d’accès aux toilettes ou à la machine à café sur les lieux de chargement ou déchargement. On n’oublie pas que la crise sanitaire terminée, les choses ne se sont pas réellement améliorées.
On constate avec effroi qu’encore aujourd’hui, il existe des maires en France qui ont pris un arrêté municipal interdisant l’utilisation des climatisations autonomes de jour comme de nuit sur les parkings de restaurants routiers. Le conducteur pourra toujours souffrir de la chaleur ou du gel, s’il y dort… Qu’est-ce que ça peut faire ? On rapporte même qu’un maire se lève la nuit pour verbaliser les conducteurs qui ne se conforment pas à cet arrêté aberrant.
On n’oublie pas non plus qu’il n’y a pas assez de parkings sécurisés sur notre territoire.
C’est pour cela qu’on ne peut que saluer l’initiative prise par la Fondation Carcept Prev pour lancer la campagne « Respectons les routiers » et son site dédié* qui décrit le quotidien de ces personnels et entend faire la promotion de leur professionnalisme auprès du grand public.
C’est pour cela qu’il faut aussi réfléchir à s’inspirer des réglementations de nos voisins du Sud (Espagne et Portugal) sur l’instauration d’une règle générale d’interdiction de la participation des conducteurs aux opérations de chargement et de déchargement (avec exceptions naturellement selon la nature du transport) et plus largement à leurs conditions d’accueil.
Donc où que vous soyez, sur la route dans les embouteillages, dans une rue bloquée par un véhicule en livraison, n’importe où, respectez les routiers.
Pendant le temps de ces considérations, Chouchou et son camion sont repartis dans la nuit.
Florence Berthelot
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