Résultat : les chefs d’entreprise constatent une forte chute de leur activité et voient rouge en cette fin d’année 2023, selon une enquête de conjoncture de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR). 54 % des chefs d’entreprise assurent ne pas être satisfaits de la situation actuelle de leurs entreprises, contre seulement 19 % qui sont plutôt satisfaits. « L’insatisfaction des chefs d’entreprise retrouve les niveaux du premier semestre 2020 (crise sanitaire) », révèle l’étude basée sur près de 800 sociétés françaises.
Et les derniers chiffres publiés par le ministre des Transports confirment cette dynamique. L’activité du secteur est estimée à 39,9 milliards de tonnes-kilomètres au deuxième trimestre, soit en repli de 6,4 % par rapport au trimestre précédent, après une baisse de 2,4 %.
Une étude sectorielle de l’institut Xerfi publiée en mai dernier estime que le résultat net (en valeur) des sociétés devrait chuter de 39,8 % en 2023. Autre donnée inquiétante : l’excédent brut d’exploitation (en valeur) devrait baisser de 22,4 %. « Derrière ce taux, des défaillances ne sont pas à exclure », peut-on lire.
Et à en croire le résultat de la dernière étude du cabinet Altares, la filière enregistrait déjà fin novembre 1 332 défaillances d’entreprises sur douze mois glissant. Un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis 2014. À titre d’exemple, sur seulement les trois premiers mois de l’année 2023, le Tribunal de commerce d’Angers (Maine-et-Loire) a comptabilisé six dépôts de bilan de transporteurs, entraînant la suppression de 60 emplois.
Hausse des coûts
L’inflation a frappé de plein fouet les entreprises du transport routier de marchandises, à commencer par la hausse du prix des carburants en 2022 et début 2023. Afin d’atténuer l’impact des évolutions des prix sur leur comptabilité, la quasi-totalité (95 %) des sociétés a recours au mécanisme d’indexation du coût du gazole. Elles n’ont toutefois pas pu échapper à l’augmentation des prix, à savoir une hausse de 47 % en moyenne en 2022, selon le Comité national routier (CNR), l’observatoire économique du secteur.
En parallèle, les charges des entreprises ont bondi en 2023. « Tous les postes de coûts d’un poids lourd sont touchés [en 2023] », note le CNR. En deux ans, les coûts de structure ont augmenté de 15,3 %, les charges d’entretien-réparations des véhicules de 13,4 % et les tarifs de péages ont progressé de 6,8 %.
S’ajoute à cela une hausse de rémunération du personnel. Depuis plusieurs années, le transport routier peine à recruter des conducteurs, obligeant les entreprises à augmenter les salaires pour attirer les candidats. Le CNR observe une hausse des frais de personnel de 16,4 % entre 2021 et 2023. Au total, pour la seule année 2023, « l’inflation TRM hors carburant atteint en moyenne annuelle +6,3 %, avec une composante sociale en hausse de +8 %. »
« Le secteur subit également une crise conjoncturelle, avec une baisse de la demande liée à l’inflation c’est-à-dire une baisse des volumes de marchandises transportées, alerte Rodolphe Lanz, secrétaire général de la FNTR. En résumé, tous les signaux sont au rouge. »
Un contexte qui laisse perplexe les représentants de la filière. « On s’attend au pire pour 2024 avec un nombre de défaillances encore plus important », conclut Sandrine Bachy. De son côté, le CNR prévoit pour 2024 une inflation des coûts hors carburant proche de +6,8 %.