Le transport routier asphyxié au mauvais moment par les barrages des agriculteurs
Longs détours, heures supplémentaires, livraisons retardées : depuis l'instauration des barrages, les transporteurs routiers sont fortement pénalisés. La suspension des barrages est attendue avec impatience.
Par Denis Fainsilber
La chaîne du transport routier et de la logistique est de plus en plus perturbée par les barrages menés dans la France entière par les agriculteurs. Itinéraires chamboulés, temps d'attente importants sur le réseau routier ou près des sites logistiques et portuaires : les transporteurs affrontent cette crise externe, et redoutent déjà leurs conséquences économiques.
« Si le mouvement perdure, beaucoup de TPE du secteur, qui représentent 80 % de la profession, vont être en risque pour leur survie », s'alarme Olivier Poncelet, le directeur délégué de l'Union TLF, l'organisation professionnelle des métiers de la branche transports-logistique.
Certains refusent des commandes
En compagnie de ses homologues de la FNTR et de l'OTRE, les trois organisations devaient être reçues à Matignon jeudi après-midi pour faire part de leurs inquiétudes sur les tensions des chaînes d'approvisionnement . Objectif, pouvoir « reprendre le travail dans des conditions de sécurité pour les équipes ».
Selon une enquête express réalisée auprès des adhérents de TLF, la centaine d'entreprises ayant répondu sont « toutes impactées » par le mouvement et, pour un tiers d'entre elles, à hauteur de 100 % de leur activité. Faute de pouvoir livrer à temps, les transporteurs sont contraints de refuser des clients, certaines de ces petites structures perdent 5.000 euros par jour.
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Chaque jour, les surcoûts s'accumulent, et ne seront pas toujours faciles à répercuter sur les donneurs d'ordre, en fonction des contrats signés avec eux. Frais de carburant supplémentaires imposés par des détours, dépassement de la durée légale du temps passé au volant (chez 80 % des sociétés sondées par TLF, dont « 40 % de manière significative »), heures supplémentaires à payer aux conducteurs, coûts de stockage des marchandises non livrées…
« Nous sommes en mode crise, obligés de faire des points très réguliers sur les blocages. Les coûts sont difficilement maîtrisables », décrit Bruno Kloeckner, directeur général France de XPO Logistics (7.000 salariés et 3.000 véhicules en parc).
Son groupe a notamment choisi récemment de doubler les conducteurs dans les cabines, pour respecter les temps de conduite tout en servant les clients. De plus, un arrêté ministériel serait imminent, selon les syndicats de chauffeurs, pour pouvoir déroger à cette durée légale de 9 heures par jour maximum.
Conjoncture déclinante depuis quelques mois
Ces fortes tensions exogènes surviennent alors que le secteur du transport routier affronte déjà depuis quelques mois une conjoncture déclinante en France, et que les trésoreries des PME/TPE s'avèrent tendues.
Dès le troisième trimestre 2023, les volumes transportés (en tonnes-km) étaient en recul de 2 % sur un an dans l'Hexagone, contrecoup du ralentissement économique, s'inscrivant en baisse pour le troisième trimestre consécutif.
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De leur côté, les défaillances d'entreprises du transport et de l'entreposage ont bondi de 33 % à la fin 2023, et l'enquête de conjoncture de l'Insee en décembre, auprès des dirigeants du transport de marchandises « n'annonçait pas encore de reprise de l'activité pour le premier trimestre 2024 », relève l'Union TLF dans sa récente note de conjoncture.
Constat identique pour la FNTR, selon qui « au quatrième trimestre 2023, les chefs d'entreprise constatent une importante baisse d'activité, et estiment que cette baisse sera plus prononcée au premier trimestre 2024 ». Ce baromètre avait été établi avant les barrages des agriculteurs sur le réseau routier ou autoroutier, mais ces évènements, s'ils se prolongent, ne pourront que confirmer ces prédictions pessimistes.
Denis Fainsilber