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Green Economie

"Un camion électrique, c’est moins stressant" : le transport routier fait sa révolution et espère booster son attractivité

Contraint par l’Europe de se décarboner, le transport routier de marchandises mise aujourd’hui sur l’électrification des véhicules. Une révolution nécessite d’énormes investissements mais qui pourrait aussi stimuler l’attractivité d’un secteur qui peine à recruter.

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Renault Trucks affirme avoir mis 1.000 véhicules électriques sur les routes, qui ont parcouru 11 millions de kilomètres, soit 11.000 tonnes de CO2 économisées.
Renault Trucks affirme avoir mis 1.000 véhicules électriques sur les routes, qui ont parcouru 11 millions de kilomètres, soit 11.000 tonnes de CO2 économisées.
Wilfried-Antoine Desveaux
Renault Trucks affirme avoir mis 1.000 véhicules électriques sur les routes, qui ont parcouru 11 millions de kilomètres, soit 11.000 tonnes de CO2 économisées.
"Un camion électrique, c’est moins stressant" : le transport routier fait sa révolution et espère booster son attractivité
Agathe Beaujon
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« Le mouvement est inéluctable. » Pour Bruno Kloeckner, directeur général de la filiale française du transporteur XPO Logistics, la transition écologique des poids lourds est en route. Fortement encouragée par l’Union européenne. Le 18 janvier dernier, le Parlement européen et les Etats membres se sont accordés sur les objectifs à tenir pour le secteur : les émissions des poids lourds vendus à partir de 2030 devront diminuer de 45 % par rapport à 2019, puis 65 % en 2035 et 90 % en 2040. Ambitieux : à titre d’exemple, le transport de marchandises en camions diesel représente 7 % des émissions françaises de CO2 aujourd’hui.

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Comme pour les voitures, cette transition passera d’abord par l’électrique. « Il y a encore un an et demi, les acteurs du secteur envisageaient le gaz ou les biocarburants. Là, il y a un vrai virage vers l’électrique avec la feuille de route de la filière », observe Marie Chéron, responsable de la politique des véhicules de l’association Transport & Environnement.

La stratégie a déjà séduit XPO Logistics. La filiale française du groupe américain, qui opère une flotte d’environ 3 000 véhicules en métropole, a commencé par une commande de 65 camions porteurs électriques, adaptés à la logistique urbaine, et l’installation de 50 bornes de recharges. Convaincu par l’expérience, XPO franchit en ce début d’année 2024 une nouvelle étape avec la commande de 60 nouveaux porteurs et 105 tracteurs électriques (pour les semi-remorques). Toujours pour des courtes distances. Une commande faite auprès de Renault Trucks qui a lancé fin 2023 la production en série de ses tracteurs électriques. « Nous avons été stupéfaits par la technologie », résume Bruno Kloeckner qui se félicite de pouvoir répondre à la demande croissante de ses clients de réduire leur propre bilan carbone.

XPO Logistics a commencé la conversion de sa flotte avec la commande de 100 porteurs électriques pour la logistique urbaine et 105 tracteurs (pour les semi-remorques) auprès de Renault Trucks. Crédit: Ludovic Le Couster/XPO

Un écosystème en ordre de marche

Les constructeurs sont d’ailleurs prêts à relever ce défi. Transport & Environnement estime ainsi qu’un camion sur deux sorti d’usine sera électrique dès 2030. Ce qui correspond exactement aux ambitions de Renault trucks en France. « Nous avons fait le pari du véhicule électrique à batterie. Nous avons la conviction qu’il s’agit de la meilleure technologie en matière d’émissions, de coûts et de disponibilité de l’énergie par rapport à l’hydrogène notamment, explique Emmanuel Duperray, vice-président électromobilité du constructeur. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aura que de l’électrique en 2040, mais ce sera largement majoritaire. »

A l’heure actuelle, seuls 1 % des camions européens sont électriques, c’est 3 % pour les camions produits par la filiale du groupe Volvo. « Nous sommes en avance sur le marché parce qu’on a été les premiers à démarrer avec une production en série pour la logistique urbaine dès le mois de mars 2020 », se félicite encore le vice-président. Depuis, le constructeur affirme avoir mis 1 000 véhicules électriques sur les routes, qui ont parcouru 11 millions de kilomètres, soit 11 000 tonnes de CO2 économisées. Mais pour l’heure, l’autonomie reste limitée à 300 km. « C’est effectivement un facteur limitant pour les longues distances, reconnaît Emmanuel Duperray, mais nous apprenons. »

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Pour atteindre les objectifs d’électrification, le déploiement du réseau de recharge devra également suivre la cadence. L’Europe aura besoin d’au moins 50 000 bornes pour poids lourds d’ici 2030, estime notamment l’association européenne des constructeurs automobiles. Malgré les réserves de la Fédération nationale du transport routier (FNTR), l’écosystème commence à se mettre en branle. Volvo, Daimler et Traton se sont notamment lancés dans le déploiement du réseau Milence, avec l’objectif de déployer 1 700 points de recharge d’ici 2027. Les opérateurs autoroutiers sont aussi à la manœuvre pour équiper leurs aires de repos, et Vinci autoroute compte tester un système de recharge dynamique (par induction ou rail conductif) en conditions réelles sur l’A10 dès la fin de l’année.

Investissements massifs et aides insuffisantes

Reste la question du financement de cette transition. « Un tracteur électrique coûte environ 350 000 euros, contre moins de 100 000 pour un diesel. Nous sommes face à un mur financier pour les entreprises. Avec des marges de l’ordre de 1 à 2 %, beaucoup n’ont pas la capacité de financer ces matériels », prévient d’emblée Rodolphe Lanz, secrétaire général de la FNTR. Si Renault Trucks reconnaît cet écart de prix, Emmanuel Duperray se montre plus optimiste : « Le coût total d’utilisation devrait devenir équivalent au diesel d’ici la fin de la décennie », grâce aux économies d’échelle, à une durée de vie plus longue et à une maintenance plus légère. La FNTR a de son côté lancé des groupes de travail pour imaginer de nouveaux mécanismes de financement. Rodolphe Lanz suggère par exemple un système qui permettrait aux transporteurs d’acquérir la mécanique du camion, mais de louer la batterie – la pièce qui coûte le plus cher — auprès du constructeur.

Tous les acteurs s’accordent aussi sur un point : l’insuffisance des aides de l’État. La FNTR évalue le surcoût lié à l’électrification à 23,5 milliards d’euros pour les transporteurs entre 2022 et 2040, 52,6 milliards toutes énergies confondues, alors que l’enveloppe de l’Ademe pour les aides à l’achat ne s’élèverait qu’à 130 millions d’euros. « Il y a un fossé par rapport aux volumes d’aides dédiées aux voitures, confirme Marie Chéron de Transport & Environnement. Il faut une enveloppe plus importante et une simplification pour que la complexité administrative ne soit plus un obstacle pour les TPE et PME. »

L’attractivité du secteur en jeu

L’enjeu pour le secteur est aussi de bénéficier d’un regain d’attractivité. Aujourd’hui, 50 % des transporteurs ont du mal à recruter, affirme la FNTR qui estime qu’il manque environ 30 000 conducteurs qualifiés. Or l’électrification pourrait réduire la pénibilité du métier. C’est en tout cas ce que constate et espère XPO : « Ça a été une bonne surprise. La technologie a remporté l’adhésion des conducteurs qui sont moins fatigués quand ils rentrent le soir. Tout est automatique, il y a moins de secousses… Cela pourrait aussi être attractif pour les conductrices », veut croire Bruno Kloeckner. « J’étais un petit peu sceptique au début, mais je me suis rendu compte que l’électrique fonctionne très bien. La conduite est beaucoup plus souple. Il faut juste être très vigilant vis-à-vis des piétons qui ne nous entendent plus, mais si on prend en compte tous les paramètres, l’électrique est moins stressant », confirme Christian, conducteur formateur d’XPO près d’Avignon. « Des transporteurs engagés pourraient convaincre plus de personnes sensibles à l’environnement de s’orienter vers la route », considère également Erwan Celerier, délégué aux affaires techniques de la FNTR. Sans compter les nouvelles compétences qui seront nécessaires pour accompagner cette transition.

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L’électrification n’est pas la seule piste pour décarboner le transport de marchandises. Tous envisagent un mix énergétique varié, avec de l’électrique mais aussi du gaz, des biocarburants, et à plus long terme de l’hydrogène… Couplé à une réflexion sur les flux, la massification et le développement du transport multimodal, le transport fluvial et/ou au ferroviaire partout où c’est possible.

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