Cette fois, c’est promis : le gouvernement est bien décidé à supprimer dans son prochain budget les avantages fiscaux sur le gazole dont bénéficiaient jusqu’à présent routiers, agriculteurs ou entreprises du bâtiment.

Pour ces professionnels, le montant de la taxe sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) ne devrait plus rester allégé bien longtemps. Tout l’été, les discussions se sont multipliées entre Bercy et les fédérations professionnelles qui commencent à faire monter la pression. Car s’ils savent les avantages fiscaux sur les énergies fossiles condamnés par la transition écologique, les professionnels souhaitent au moins que le passage se fasse le plus progressivement possible.

« Pour l’instant, nous sommes dans le dialogue, mais nous avons posé nos lignes rouges : s’il n’y a pas, début septembre, une feuille de route claire avec une augmentation progressive du coût du gazole, il risque d’y avoir un peu plus de mauvaise humeur », prévient Luc Smessaert, vice-président chargé de la fiscalité à la FNSEA, le principal syndicat agricole.

Recherche d’une suppression progressive

En 2019, le gouvernement avait déjà prévu une suppression progressive de l’avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR) dont bénéficient agriculteurs et entreprises du bâtiment. Face à la crise du Covid, autant qu’à la grogne, elle a été reportée trois fois… « Le gouvernement voulait aller trop vite et trop fort », souligne Julien Guez, directeur général de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).

Pour ce secteur, qui s’inquiète d’une disparition brutale de l’avantage sur le GNR au 1er janvier prochain, deux scénarios sont sur la table : une augmentation de 15 ou 20 centimes dès l’an prochain, suivie d’un lissage linéaire jusqu’en 2030, ou une augmentation douce de 6 centimes par an. « Le second nous paraît le plus souhaitable pour un secteur où nous sommes engagés sur des contrats longs avec nos clients », explique Julien Guez qui demande « de la visibilité ».

Car tous s’inquiètent de la facture. « Aujourd’hui je paye le litre de gazole autour de
1 €,
explique Luc Smessaert depuis le tracteur où il fauche sa luzerne. Avec le biocarburant ce serait 1,20 €. Nous ne pouvons pas répercuter ce surcoût sur nos clients. » D’autant plus que Bercy vient de demander à ces mêmes clients de bloquer les prix de certains produits alimentaires…

« Remplacer les niches brunes par des niches vertes »

« Sans le remboursement de la TICPE, nous aurons le gazole le plus cher d’Europe : cela va poser un vrai problème de compétitivité à nos entreprises », juge Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale du transport routier (FNTR) qui redoute « une mesure purement budgétaire sous couvert de verdissement ».

Le coût de ces « niches brunes » n’est pas négligeable pour des finances publiques en tension : 1,35 milliard d’euros pour les agriculteurs ; 1,25 milliard pour les transporteurs ; 1,1 milliard pour les travaux publics. Du côté de Bercy, on se défend pourtant d’une approche purement budgétaire. « Ce n’est pas sur les dépenses brunes qu’on peut faire des économies, y explique-t-on. Nous sommes plutôt dans une logique de vases communicants en remplaçant les niches brunes par des niches vertes. »

Les professionnels peuvent-ils déjà substituer le gazole?

Mais les professionnels peuvent-ils facilement remplacer leur matériel par des machines moins polluantes ? Les agriculteurs mettent en avant la faiblesse des réseaux des campagnes, qui ne supporteraient pas l’électrification de leur matériel. Les travaux publics s’inquiètent des difficultés de ravitaillement en hydrogène sur les chantiers. Et tous relèvent le manque de puissance généré par les carburants propres par rapport au diesel. « Le caractère substituable ou non du gazole est une vraie question, convient Bercy. Mais certains ont des idées. »

La FNTP plaide ainsi pour la mise en place d’une « véritable filière de biocarburant ». « Bercy doit nous réunir avec les pétroliers et les agriculteurs pour lever ensemble les verrous économiques, fiscaux et réglementaires », insiste Julien Guez selon qui « avec une meilleure efficacité énergétique, de l’électrique à certains endroits et des biocarburants d’autres, nous pouvons réduire de moitié notre consommation de GNR. »

Un discours qui séduit aussi les agriculteurs qui produisent la matière première du biocarburant. « D’autant que pour 1 litre d’huile de colza, je produis 2 kg de tourteaux de soja pour nourrir mes vaches, explique Luc Smessaert. C’est autant de soja importé en moins. Il y a aussi là un enjeu de souveraineté. »

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La taxation du gazole

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) a rapporté en 2022 17,9 milliards d’euros à l’État.

Pour le gazole, elle s’élève à 59,40 centimes par litre (ct/l), auxquels s’ajoute une majoration régionale pouvant aller jusqu’à 1,35ct/l (3,24 ct/l en Île-de-France). Toutes les régions (sauf Auvergne-Rhône-Alpes et la Corse) ont adopté le maximum.

Agriculteurs et entreprises du bâtiment bénéficient d’une TICPE réduite à 18,82 ct/l de gazole.

Les entreprises de transport routier bénéficient d’un système de remboursement maintenant leur TICPE à 45,19 ct/l.