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Problématique de la connaissance par l’employeur de la validité des permis de conduire des personnels de conduite des entreprises de transports routiers
Le Ministère de l’Intérieur et le Ministère des Transports ont apporté, lors d’une réunion d’information avec les organisations professionnelles du 25 novembre 2020, un certain nombre de précisions concernant les modalités concrètes du futur dispositif permettant aux entreprises de transports routiers de savoir si les permis de conduire de leurs personnels de conduite sont ou non valides.
Rappel du contexte
La loi du 22 mars 2016 a posé le principe selon lequel les entreprises exerçant une activité́ de transport public routier de voyageurs ou de marchandises sont autorisées à accéder aux informations relatives à l’existence, la catégorie et la validité́ du permis de conduire pour les personnes qu’elles emploient comme conducteurs de véhicule à moteur.
Le Ministère de l’Intérieur a pris l’initiative d’organiser, le 3 mars 2017, une réunion de travail en présence, notamment, des organisations professionnelles et des organisations syndicales, visant à traduire réglementairement les nouvelles dispositions légales.
Était envisagée la mise en place d’un système informatique, payant (estimation à 80 centimes d'euros par consultation de l'employeur). Le fait de se rendre sur ce système serait facultatif pour les entreprises.
Si les organisations professionnelles étaient d'accord sur le principe de pouvoir savoir, à tout moment pour un employeur, si le permis de conduire d'un de ses salariés conducteurs est valide, la FNTR ainsi que ses partenaires (CSD, FNTV, TLF) avaient vivement critiqué ce qui s’apparentait à une taxation déguisée, et dénoncé́ le possible durcissement de la responsabilité́ juridique de l’entreprise qui n’aurait pas consulté le site en cas d’accident.
Suite à la loi du 22 mars 2016, deux textes réglementaires d’application ont été́ publiés :
- un premier décret du 24 mai 2018 est venu modifier la liste des personnes autorisées à accéder aux données du système national du permis de conduire (SNPC) et du système d’immatriculation des véhicules ;
- un second décret, du 17 septembre 2018, a défini les conditions dans lesquelles les entreprises exerçant une activité́ de transport public routier de voyageurs ou de marchandises peuvent se voir communiquer les informations relatives à l'existence, la catégorie et la validité́ du permis de conduire des personnes qu'elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur.
Mais ce décret a renvoyé́ un certain nombre de modalités pratiques du dispositif à un arrêté (qui n’est pas encore paru). Le décret prévoit que cet arrêté́ du Ministre de l'intérieur et du Ministre des transports :
- précisera la liste des activités concernées
- et déterminera les conditions de déclaration des personnes employées et les modalités de délivrance et les caractéristiques de l'attestation sécurisée.
Les actions de la FNTR et de ses partenaires (CSD, FNTV, TLF)
Trois courriers ont été adressés au Ministère de l'Intérieur, en date du 18 juin 2018, 13 février 2020 et 8 octobre 2020. Dans ces courriers, les organisations professionnelles ont fait part :
- de leur hostilité de principe à la mise en place d’un système d’information payant, pour les entreprises, sur la validité du permis de conduire des salariés ;
- de leur très forte inquiétude sur le fait qu’en dépit de son caractère non-obligatoire, le système soit utilisé pour accroitre la responsabilité́ juridique des entreprises de transport qui n’y auraient pas recours de manière systématique ;
- de la nécessité de pouvoir disposer d’une alerte émanant des pouvoirs publics en cas de perte de l’intégralité́ de ses points par le personnel de conduite, point de nature à sécuriser juridiquement les entreprises.
Force est de constater que ces différents courriers sont demeurés sans réponse de la part des services du Ministère de l'Intérieur.
Un positionnement récent du Ministère de l'Intérieur
Il apparaît qu'une question écrite d'un parlementaire (Monsieur Cédric Perrin (Territoire de Belfort - Les Républicains), a été posée sur le sujet (question publiée au JO du Sénat du 25 juillet 2019) au Ministère des Transports, qui l'a transmis au Ministère de l'Intérieur. La question était la suivante :
«M. Cédric Perrin demande à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire de préciser l'étendue de la responsabilité juridique du responsable d'une entreprise de transport de marchandises ou de personnes dont l'un des chauffeurs a repris le travail sans l'informer du retrait de son permis de conduire.
Il lui demande de préciser si le Gouvernement prévoit une disposition juridique contraignant cet employé à informer immédiatement son employeur de toute suspension ou tout retrait de permis de conduire».
Or le Ministère de l'Intérieur vient d'apporter une réponse, laquelle a été publiée au JO vdu Sénat du 5 novembre 2020. Cette réponse est la suivante :
«À compter de 2021, les employeurs de transport public de marchandises et de voyageurs pourront accéder directement aux données relatives à l'existence, la catégorie et la validité du permis de conduire des salariés qu'elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur, en application des articles L. 225-5 et R. 225-5 du code de la route.
En attendant, les employeurs peuvent accéder à ces informations en demandant la délivrance d'un relevé d'information restreint des données du permis de conduire de leur salarié à la préfecture du lieu de sa résidence. La demande doit être accompagnée de la preuve du lien de subordination ainsi que de l'information de cette démarche au salarié.
Si la responsabilité civile ou pénale de l'employeur est éventuellement engagée, elle pourrait être atténuée voire exonérée s'il s'est montré diligent en opérant des contrôles réguliers sur les droits à conduire de ses salariés».
La réunion d’information entre les organisations professionnelles et les Ministères de l’Intérieur et des Transports du mercredi 25 novembre 2020
Mercredi 25 novembre 2020 se tenait la réunion annuelle entre les organisations professionnelles des transports routiers et les Ministères de l’Intérieur et des Transports.
A cette occasion a été abordée la question de la connaissance par l’employeur de la validité des permis de conduire des personnels de conduite dans le cadre d’un projet nommé «Vérif Permis».
Présentation du dispositif par le Ministère de l’Intérieur
La Direction de la Sécurité Routière (DSR) a rappelé qu’en application de l’article un article R225-5-1 du Code de la route, l’idée est de faire en sorte que l’employeur puisse recevoir l’employeur une attestation datée et sécurisée par voie électronique.
Le développement de cet accès direct est pris en charge par l’imprimerie nationale. Une présentation et une démonstration de l’application Vérif Permis qui sera la prochaine interface du futur service qui sera proposé pour accéder aux données du permis de conduire des salariés ont été réalisées.
L’accès au service sera payant. L’imprimerie nationale s’interroge actuellement sur la nécessité de faire une distinction entre les entreprises de plus de 20 salariés et celles de moins de 20 salariés sachant que d’après les codes NAF, 84% des entreprises ont moins de 20 chauffeurs. Deux scenarios ont été élaborés :
- un scenario initial avec la distinction susvisée. Dans ce scenario, pour les entreprises de moins de 20 chauffeurs, il y aurait un abonnement annuel au service qui comprendrait des vérifications illimitées. Pour les entreprises de plus de 20 chauffeurs, il y aurait le même abonnement annuel au service avec en plus un prix par vérification supplémentaire.
- un scenario alternatif ne prévoyant pas cette distinction. Dans ce scenario, il y aurait pour toutes les entreprises un abonnement annuel au service qui inclurait 40 vérifications et ensuite, au-delà de ces vérifications, un prix par vérification supplémentaire.
Il est à noter que le prix de l’abonnement annuel serait le même dans les deux scenarios (un peu moins de 15 euros). Concernant la vérification supplémentaire, son prix serait de l’ordre de 80 centimes d’euros.
Concernant les délais de mise en place de ce service, cela va dépendre du scenario retenu. Un temps de développement supplémentaire est prévu du côté de l’imprimerie nationale. Un projet de décret en Conseil d’Etat sera pris pour fixer le principe de la redevance, mais ce n’est pas le décret qui annoncera l’ouverture du service. Le service devrait être mis en place dans le courant du 1er semestre 2021 (2ème trimestre). Une communication générale sera effectuée pour annoncer son ouverture.
La DSR a également précisé qu’un arrêté devra également être finalisé pour indiquer le format ou le modèle de l’attestation délivrée et lister les secteurs d’activité concernés par Vérif Permis. L’arrêté pourrait être publié au Journal Officiel d’ici la fin de l’année 2020 ou au début du mois de janvier 2021.
Les échanges entre la FNTR et les administrations
La FNTR fait remarquer que trois courriers ont été adressés depuis le mois de juin 2018 au Ministre de l’intérieur ainsi qu’à Madame la Déléguée Interministérielle à la Sécurité Routière afin de les interpeller sur ce sujet et exprimer les inquiétudes et oppositions de la Profession :
- hostilité de principe de la mise en place d’un système d’information payant, pour les entreprises, sur la validité du permis de conduire des salariés ;
- très forte inquiétude sur le fait qu’en dépit de son caractère non-obligatoire, le système soit utilisé pour accroître la responsabilité juridique des entreprises de transport qui n’y auraient pas recours de manière systématique ;
- nécessité de pouvoir disposer d’une alerte émanant des pouvoirs publics en cas de perte de l’intégralité de ses points par le personnel de conduite, point de nature à sécuriser juridiquement les entreprises.
La DSR a répondu n’avoir pas eu connaissance desdits courriers.
Concernant l’instauration d’un système payant, elle fait remarquer qu’il a été prévu lors d’une réunion en 2018 (sans la présence des organisations professionnelles) avec le Président Délégué à la sécurité routière que l’imprimerie nationale développerait ce service et se rémunérerait par le biais d’une redevance.
Sur la question de responsabilité des employeurs, la DSR a indiqué qu’il s’agissait «de la fiction juridique» puisque comme ce service n’existe pas encore, on ne sait pas comment les juges apprécieront la responsabilité. Elle a également rappelé également que ce service est facultatif (en aucun cas obligatoire) et qu’il existait par ailleurs une obligation du salarié d’informer sans délai son employeur de la perte de son permis. Il a également été précisé que l’existence de ce service n’avait pas pour objectif de renverser la responsabilité en cas d’accident mais simplement d’apporter une information supplémentaire à la demande de l’employeur en cas de doute. La consultation sur sera un élément supplémentaire qui montre la diligence des contrôles faits par l’employeur.
Concernant l’alerte en cas de perte de l’intégralité des points, fait remarquer que ce dispositif est un service mis à disposition et que la loi n’a pas voulu imposer au Ministère de l’intérieur de notifier la perte de point aux employeurs de transport. Ce dispositif d’alerte aurait été très compliqué en pratique.
La position de la FNTR
De qui se moque-t-on ? est la question qui pourrait être la conclusion de cette réunion sur ce point. Celle-ci n’a été que la traduction d’une méthode autoritaire consacrant l’absence totale de concertation, depuis l’origine du projet, entre le Ministère de l’Intérieur et les organisations professionnelles des transports routiers.
Sur la forme, la DSR soutient de manière très surprenante n’avoir pas eu connaissance de trois courriers transmis depuis 2018 par les organisations professionnelles (avec, pour l’un d’entre eux, copie à la Ministre des Transports de l’époque).
Sur le fond, la DSR balaie d’un revers de la main l’ensemble des demandes et inquiétudes exprimées par les entreprises de transports routiers :
- le système sera payant, ce qui a pourtant été rejeté dès le départ par les organisations professionnelles ;
- il n’y a pas la moindre sécurisation juridique quant à la responsabilité juridique des entreprises, le Ministère de l’Intérieur indiquant que le système de vérification serait facultatif. A cet égard, que vaut le positionnement, le 5 novembre 2020, public exprimé sur ce même sujet par le Ministère de l’Intérieur ? ;
- nfin, le dispositif d’alerte des entreprises a lui aussi été rejeté, au moyen d’un prétexte fallacieux de complexité.
La FNTR ne peut que déplorer le simulacre de concertation, qui a pris la forme d’une réunion de travail entre le Ministère de l’Intérieur, le Ministère des Transports, et les organisations professionnelles le 3 mars 2017. Toutes les orientations du dispositif étaient déjà actées par les services de l’Etat et il n’a été tenu strictement aucun compte des observations des organisations professionnelles.
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