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Harcèlement textuel
Précisons tout de suite : cette formule n’est pas de l’auteure de ces lignes mais d’André Broto. André Broto est une référence absolue dans le domaine des questions autoroutières, d’infrastructures, de mobilités et de transports. Aujourd’hui retraité (actif), c’est le Maître Yoda dès qu’on aborde ces dossiers et nous sommes beaucoup ses jeunes Padawan. Clin d’œil aux fans de la « Guerre des Etoiles ».
Ces termes ont fusé lors d’une réunion sur la décarbonation organisée par Avenir Transports (association de parlementaires) où, en présence de Pierre Coppey, le Directeur Général de Vinci Autoroutes, je me suis emportée sur la question des…ombrières.
L’occasion était trop belle de dire aux députés et aux sénateurs qui votent les lois que les dispositions qu’ils adoptent se transformaient, par le filtre des décrets, des arrêtés et des guides d’application, en une avalanche de normes impossibles pour les entreprises.
On peut le dire de tant de textes !
L’obligation d’apposer des autocollants « angle mort » sur les camions est devenue un modèle normé avec certaines couleurs référencées, qu’on doit coller entre 0,90 cm et 1,50 mètre du sol. Sauf quand la configuration du véhicule ne le permet pas, alors on le pose… où on peut. Cerise sur le gâteau, ces autocollants ne servent à rien du tout, sauf à dire qu’on a fait quelque chose pour les cyclistes.
Tournons notre regard vers le système de bonus-malus de l’assurance-chômage : 7 secteurs (dont le transport) se voient appliquer un « taux de séparation » (quel jargon !) qui déterminera si les entreprises doivent ou non payer plus de cotisation chômage. Pour apprécier ce taux, on regarde les ruptures de contrat de travail. Mais peu importe que ce soit un contrat d’intérim qui prenne fin, un CDD qu’on renouvelle et que le salarié ne s’inscrive pas du tout à Pôle Emploi, il faut payer. Et malgré ça, on peine à recruter dans notre secteur.
Parlons des interprétations créatives du BOSS (Bulletin Officiel de la Sécurité sociale) qui n’explique de manière claire si l’entreprise de transport doit ou non compter tel ou tel salarié dans l’effectif soumis au « versement mobilité » censé financer les transports en commun dans les zones des autorités organisatrices de mobilité. Alors que les salariés des entreprises de transport de marchandises ne prennent quasiment jamais les transports en commun, puisque les entreprises sont situées en très grande périphérie ou en zone rurale où il n’y a ni métro ni bus.
Et s’il n’y avait que la loi : la transposition à venir de la Directive NIS 2 va obliger les entreprises à renforcer les entreprises à renforcer de manière sévère leur système de cybersécurité, le secteur des transports étant considéré comme « hautement critique ». On en tremble d’avance.
Voilà que la jurisprudence s’y met : la Cour de cassation vient d’énoncer qu’un salarié en arrêt maladie peut continuer d’acquérir des congés payés. Ingérable pour les entreprises, et risque financier énorme sur les années passées puisqu’aucune indication n’est donnée sur une possible prescription.
La transition énergétique va également se traduire par une inflation de normes, de surcoûts voire de taxes. D’ailleurs c’est bien dans le domaine des taxes qu’il a en France le plus d’imagination. Outre la taxe alsacienne et celle envisagée par le Grand Est sur les infrastructures, on commence à parler d’une « écoredevance » pour favoriser le report modal, et d’un rabot de la ristourne de TICPE pour favoriser la fameuse « décarbonation ».
Les exemples sont légion. C’est quand même un peu vite oublier qu’une entreprise existe d’abord pour gagner de l’argent, rendre des services dans des bassins d’activité, enrichir notre pays, créer de l’emploi et toutes ces sortes de choses.
Si la régulation est indispensable, elle ne doit pas non plus transformer le quotidien des entrepreneurs en gestion permanente de nouvelles normes et contraintes très difficiles à gérer et parfois même contradictoires. Sans parler de l’épée de Damoclès des contrôles qui suivront et trouveront forcément quelque chose à redire.
En ce moment, la mauvaise conjoncture économique plombe le moral des chefs d’entreprise du transport routier. Mais l’inflation des normes est une source supplémentaire de découragement.
Florence Berthelot
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