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Le Covid-19 n’est pas un cas de force majeure autorisant la rupture anticipée du CDD
Dans un arrêt du 18 septembre 2024, la Cour de cassation, statuant sur la rupture anticipée d’un contrat de travail à durée déterminée (CDD) du fait de la pandémie de covid-19, a considéré que cette rupture ne pouvait pas s’analyser en un cas de force majeure.
L’ordonnance du 10 février 2016, qui a réformé le droit des contrats, a introduit dans le Code civil un article 1218 qui définit la force majeure.
La force majeure est une notion essentielle en raison des conséquences qu’elle produit lorsqu’elle est caractérisée : que l’empêchement soit définitif ou temporaire, la force majeure produit un effet exonératoire.
Cela signifie qu'aucun dommage et intérêt ne sera dû au créancier si le débiteur démontre qu’il a été empêché d’exécuter son obligation par un cas de force majeure. Sa responsabilité contractuelle ne pourra, autrement dit, pas être recherchée.
Cet article énonce : «Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux Articles 1351 et 1351-1».
A l’époque où le covid-19 était particulièrement important, la question de savoir s’il constituait un cas de force majeure avait été posée.
Le Code du travail contient des dispositions spécifiques en la matière. Ainsi, en matière de contrat à durée déterminée (CDD), l'article L1243-1 envisage-t-il la force majeure comme étant un cas de rupture anticipée dudit CDD.
Dans le même ordre d'idée, s'agissant des contrats de travail temporaires, l'article L1251-26 du Code du travail prévoit la possibilité d'une rupture de ces contrats de travail en cas de survenance d'un cas de force majeure.
S'agissant des contrats de travail à durée indéterminée (CDI), ce sont les articles L1234-12 et L1234-13 du Code du travail qui prévoient et organisent des cas spécifiques de ruptures de ces contrats pour le motif de force majeure.
Les conséquences de la reconnaissance d'un situation de force majeure en droit du travail, pour ce qui concerne la rupture des relations de travail, sont particulièrement importantes : la force majeure peut justifier la rupture d'un CDI sans obligation de versement d'une indemnité compensatrice de préavis ni indemnité légale de licenciement (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) et sauf si le cas de force majeure résulte d'un «sinistre» (article L1234-13 du Code du travail).
La jurisprudence a donc toujours apprécié très restrictivement la notion de force majeure.
Les circonstances du litige
En l’espèce, le litige concernait un salarié engagé comme pilote de ligne dans le cadre d’un CDD du 28 janvier 2020 (pour la période du 17 mars au 31 octobre 2020).
L’employeur a rompu le CDD du pilote de ligne pour force majeure à la suite du confinement général décidé le 16 mars 2020 en réaction à la pandémie de covid-19 et à la fermeture soudaine des liaisons aéronautiques qui s'en est suivie dans l'espace de circulation européenne Schengen.
Le salarié a contesté le bien-fondé de la rupture de son CDD devant la juridiction prud’homale. La Cour d’appel lui ayant donné gain de cause, l’employeur a formé un pourvoi en cassation. Mais la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 septembre 2024, a validé l’arrêt de la Cour d’appel.
La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation a réaffirmé que la « force majeure permettant à l'employeur de s'exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d'un contrat de travail s'entend de la survenance d'un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution ».
La Haute Juridiction a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que la crise sanitaire n’était pas irrésistible en raison du fait de la mise en place de l’activité partielle. La force majeure n’était en conséquence pas établie, à défaut de remplir tous les critères requis.
La position de la FNTR
La décision de la Cour de cassation n’est pas surprenante. Elle correspond aux réponses et analyses qui avaient été réalisées par la FNTR lors de l’époque pandémique.
Il faut au demeurant souligner que, classiquement, la jurisprudence s’est toujours montrée réticente à reconnaître la force majeure pour cause d’épidémie :
- lorsqu’aucun lien de causalité n’était caractérisé entre le virus Ebola et la baisse d’activité de la société (arrêt de la Cour d’appel de Paris du17 mars 2016) ;
- lorsque le virus Ebola n’avait pas rendu l’exécution des obligations impossibles (arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 mars 2016) ;
- lorsque la gravité d’une épidémie de peste n’était pas suffisante et que des traitements préventifs existaient [arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 septembre 1998) ;
- lorsque le Chikungunya pouvait être soulagé par des antalgiques (arrêt de la Cour d’Appel de Basse-Terre du 17 décembre 2018) ;
- lorsque l’épidémie de Dengue était récurrente et donc prévisible (arrêt de la Cour d’Appel de Nancy du 22 novembre 2010) ;
- lorsque le virus H1N1 avait été largement annoncé même avant la mise en place de réglementations sanitaires (Cour d’appel de Besançon, 8 janvier 2014).
L’employeur doit se montrer particulièrement prudent dans l’utilisation de la notion de force majeure dans les relations de travail.
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