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Vérif Permis : un arrêt du Conseil d’État rejette le recours de la FNTR

31 octobre 2024 Juridique et Social

Dans un arrêt rendu le 28 octobre, le Conseil d’État a débouté la FNTR de ses deux recours contre les deux arrêtés mettant en œuvre opérationnellement le dispositif Vérif Permis.

La loi du 22 mars 2016 a posé le principe selon lequel les entreprises exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises sont autorisées à accéder aux informations relatives à l’existence, la catégorie et la validité du permis de conduire pour les personnes qu’elles emploient comme conducteurs de véhicule à moteur.

 

En d’autres termes, l’objet du dispositif, payant, consiste à permettre aux entreprises de se rendre si un site internet dédié (Vérif Permis) afin de vérifier, à un instant T, l’état de validité du permis de conduire des personnels de conduite.

 

Le recours contentieux de la FNTR

 

La FNTR a toujours considéré que les modalités de mise en place de ce dispositif n’étaient pas satisfaisantes pour les entreprises. Après 8 ans de discussions infructueuses avec les ministère de l’Intérieur et des Transports, la FNTR a décidé d’engager un recours contentieux devant le Conseil d’État contre les deux arrêtés du 15 février 2024 qui ont permis la mise en place concrète du dispositif.

 

La FNTR conteste :

  • une intégalité de traitement entre entreprises concernant la redevance instituée, ainsi que le principe même de cette redevance dans la mesure où la FNTR estime qu’il n’existe pas réellement de service rendu ;
  • le périmètre d’application du dispositif Vérif Permis.

L’arrêt du Conseil d’État du 28 octobre 2024

 

Dans un arrêt particulièrement laconique et peu motivé, le Conseil d’État a estimé :

  • que, s’agissant du périmètre d’application du dispositif, les références aux dispositions du Code des transports des activités concernées étaient suffisamment précises et conformes aux exigences attendues d’un arrêté ;
  • que, concernant la redevance, l’arrêté la fixant était guidé par un objectif de renforcement de la sécurité routière, prenait en compte l’existence de multiples TPE-PME, et avait un coût jugé modique.

Le Conseil d’État a, en outre, estimé que les précisions apportées sur le fonctionnement du dispositif par le Ministère de l’Intérieur étaient suffisantes pour considérer que le coût afférent au mécanisme Vérif Permis était fondé sur des critères objectifs et rationnels.

 

En conséquence, la haute juridiction administrative a débouté la FNTR de ses deux recours.

 

Autres actions de la FNTR

 

Outre le recours contentieux, la FNTR a :

  • interrogé la CNIL ainsi que la Direction Générale du Travail (DGT) sur la fréquence de consultations : avant la mise en place du dispositif Vérif Permis, l’administration a toujours admis la possibilité de vérifications périodiques, par l’employeur, de l’état de validité des permis de conduire des personnels de conduite (mais sans définir ce qu’il convenait d’entendre par «périodique») ;
  • interrogé la DGT concernant l’articulation entre le courrier de notification d’interdiction de conduire et la délivrance de l’attestation si une entreprise consulte Vérif Permis (en d’autres termes : l’employeur découvrant que le permis est invalide peut-il écarter, à titre conservatoire, le salarié de l’activité de conduite en restant en règle avec les dispositions du travail ?)


Réponses de la CNIL et de la DGT à la FNTR

 

La réponse de la CNIL et de la DGT concernant la périodicité des consultations :

 

Dans la réponse adressée par la CNIL à la FNTR le 10 septembre 2024, il est indiqué ceci :
« En ce qui concerne la fréquence de consultation nous vous recommandons de ne pas y procéder plus souvent que "une fois tous les six mois, ou même un an".

Néanmoins si vous décidez de vous écarter de cette recommandation vous devrez être en mesure de justifier une consultation plus régulière.
Enfin, et en tout état de cause, il vous appartient de vous assurer du respect des dispositions du code du travail qui trouve à s'appliquer en l'espèce.»

 

Cette réponse n’a en principe pas de valeur juridique contraignante mais elle constitue néanmoins, au regard du rôle de la CNIL, un point de repère important pour les entreprises de transport routier.

 

Le principe préconisé par la CNIL serait celui d’une consultation tous les 6 mois ou d’une consultation annuelle, des consultations plus régulières constituant des dérogations susceptibles de devoir être justifiées par les entreprises le cas échéant.

 

La réponse de l’administration du travail, intervenue le 1er octobre, se situe dans une logique tout à fait identique à celle de la CNIL puisqu’elle énonce : «L’article L. 1121-1 du code du travail (ainsi que l’article L. 1321-3 spécifique au règlement intérieur) interdit « toute mesure apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Ces conditions sont cumulatives.

 

Ainsi, pour être licite une mesure consistant à surveiller l’état de validité du permis de conduire d’un salarié doit, d’une part, correspondre à une condition nécessaire pour l’exécution du travail (ici : le contrôle via « Vérif Permis » des seuls salariés affectés à la conduite d’un véhicule remplit cette condition) et, d’autre part, être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.

 

La fréquence due la consultation de la plateforme « Vérif Permis » est un critère d’appréciation de second point de contrôle. Or, une surveillance excessive de l’employeur à l’égard de ses salariés est traditionnellement sanctionnée par les juges comme portant atteinte au respect de la vie prié privée, notamment protégée par l’article 9 du code civil.

 

Au surplus, au cas d’espèce, le salarié dont la mission consiste à conduire un véhicule doit disposer, pendant toute la durée de sa mission, du permis de conduire correspondant. Il découle de l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, prévue à l’article L. 1222-1 du code du travail, qu’il doit informer son employeur s’il n’est plus en mesure d’exécuter le travail pour lequel il a été embauché. C’est le cas lorsque le salarié se voit retirer son permis de conduire, que cette sanction intervienne en cas d’infraction au code de la route dans le cadre professionnel ou personnel.  

 

La consultation de « Vérif Permis » par l’employeur constitue donc un palliatif à un éventuel manquement du salarié. Il convient donc d’inciter les employeurs à la prudence concernant une fréquence exagérée de ces contrôles qui présupposent une déloyauté chronique des salariés dans l’information qu’ils doivent à leur employeur.»

 

La réponse de la DGT concernant l’articulation entre la délivrance de l’attestation d’invalidité du permis de conduire et la notification de l’interdiction de conduire au salarié

 

La DGT a échangé avec la Direction de la Sécurité Routière (DSR) à ce sujet et a répondu comme suit : «Cette question nous semble sans objet. En effet, l'invalidation du permis pour solde nul de points prend effet à compter de la date de notification et la délégation à la sécurité routière nous a assuré que l’information selon laquelle de le permis de conduire n’est plus valide n’est délivrée à l’employeur (comme aux forces de l’ordre du reste) qu’à compter de la date d’effectivité de l’interdiction de conduire (à savoir la notification à l’usager).

 

Dans tous les cas, nous ne pouvons que conseiller aux employeurs d’informer le salarié concerné et de lui permettre de faire valoir ses arguments. En effet, conformément aux dispositions de l’article L. 1222-4, le salarié doit avoir été préalablement informé que, compte-tenu du poste qu’il occupe, l’employeur pourra être amené à vérifier de la validité de son permis de conduire via l’application Vérif Permis et, selon l’attestation reçue, à prendre les mesures justifiées et proportionnées qui en découlent. Le salarié est donc avisé que des contrôles peuvent être faits et doit être informé du résultat de ces contrôles en application du principe d’exécution de bonne foi du contrat de travail porté par l’article L. 1222-1 du code du travail.

La DSR a indiqué fournir aux employeurs, lors du référencement et du déréférencement des salariés concernés, des fiches qui peuvent utilement être communiquées aux salariés concernés en vue de leur information.»


Position globale de la FNTR

 

L’arrêt du Conseil d’État est objectivement extrêmement contestable, pour ne pas dire scandaleux sur la forme. Sa motivation s’avère particulièrement ténue. Les arguments de la FNTR ont en effet été rejetés sans qu’il ne soit précisé en quoi ils ne seraient pas pertinents.

Une telle position du Conseil d’État, qui confine à une défense arbitraire de l’administration, constitue pour la FNTR une forme de mise en cause de l’État de droit.

 

En dépit de l’échec du recours, dans la mesure où le dispositif est opérationnel, la FNTR entend obtenir des garanties sur le fonctionnement actuel du dispositif puisque le recours ne suspend pas sa mise en œuvre.

 

La FNTR estime que la réponse de la DGT au sujet de la portée de l’attestation délivrée via e site internet constitue un élément nouveau, qui est de nature à juridiquement sécuriser les entreprises ayant éventuellement recours à ce dispositif.


Pour autant, ce point n’apparaît pas formellement dans les dispositions réglementaires.

La FNTR a donc interpellé la DSR afin d’obtenir une confirmation écrite de ce positionnement, de manière à parvenir à cette sécurisation indispensable, indépendamment de la position du Conseil d’État.




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