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Précisions de la Cour de cassation en matière de preuve d’une discrimination lors de contentieux impliquant des salariés en situation de handicap

29 mai 2024 Juridique et Social
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Dans un arrêt de principe du 15 mai 2024, la Cour de cassation fixe, pour la première fois, la grille d’analyse que les juges du fond (première instance et Cours d’appels) doivent respecter lors de contentieux en matière de situations de handicap et de discrimination.

 

1/ Rappel du contexte

Lorsqu’un salarié en situation de handicap est déclaré inapte à son poste de travail et que, par la suite, il est licencié pour « impossibilité de reclassement », de nombreux paramètres juridiques sont susceptibles de faire l’objet de contentieux (la cause de licenciement, mais également la question des origines de l’inaptitude ou d’une discrimination liée au handicap).

 

Dans son arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation a voulu clarifier les exigences imposées aux juges en matière de méthodologie de travail afin de déterminer si une discrimination liée au handicap existe ou non.

2/ Les circonstances du litige

De 2001 à 2015, une salariée a effectué son activité en qualité d’agent de nettoyage. A la fin de l’année 2008, elle a été victime d’un accident du travail. Placée en arrêt de travail, elle a repris son activité professionnelle dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique avant que, le 6 octobre 2010, le médecin du travail ne la déclare apte à reprendre à temps plein.
Il doit être noté que le 1er avril 2010, la salariée s’était vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé.

 

Mais peu de temps après, la salariée s’est retrouvée à nouveau placée en arrêt de travail. Son absence s’est prolongée 5 ans.

 

Le 10 septembre 2015, la salariée est déclarée inapte au poste d’agent de service, avec la précision suivante figurant à son avis d’inaptitude : « la salariée pourrait occuper un poste à temps partiel en télétravail, sans sollicitation du membre supérieur droit, sans station debout, sans marche, sans travail en antéflexion du tronc, sans travail à genou ou accroupi, sans port de charge ».

 

Le 9 novembre 2015, la salariée a été licenciée pour « inaptitude et impossibilité de reclassement ».

 

La salariée a alors saisi la juridiction prud’homale afin de demander la nullité de son licenciement au motif d’une discrimination fondée sur son handicap, considérant que son employeur n’avait jamais pris en compte sa qualité de travailleuse handicapée, alors même que l’article L5213-6 du Code du travail l’astreignait à être à l’initiative de « mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés (…) de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ».

 

La Cour d’appel a fait droit à la demande de la salariée et a annulé son licenciement. L’entreprise a alors formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a accueilli le pourvoi et a annulé l’arrêt de la Cour d’appel.

3/ La solution de la Cour de cassation

La Haute Juridiction a estimé que la Cour d’appel n’avait pas respecté les principes méthodologies de preuve en matière de discrimination.

 

La Cour de cassation a réaffirmé que lorsque le salarié décide de fonder son action sur une discrimination à raison du handicap, c’est bien aux règles d’aménagement de la charge de la preuve spécifiques aux discriminations qu’il y a lieu de se référer (règles qui figurent à l’article L1134-1 du Code du travail).

 

Trois étapes doivent être respectées :

  • première étape : le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ;
  • deuxième temps :  si le salarié est parvenu à présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe alors à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
  • le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile.

La Cour de cassation souligne dans cet arrêt que « la qualité de travailleur handicapé ne constitue pas, à elle seule, un élément laissant supposer l’existence d’une telle discrimination ». C’est pourtant ce que les juges du fond avaient ici considéré en se bornant à constater que l’employeur « n’avait pas pris en compte le statut de travailleur handicapé de la salariée » et « en ne lui proposant aucune mesure particulière dans le cadre de la recherche de reclassement ».

 

La Cour d’appel aurait dû, avant toute chose, rechercher si la salariée était en mesure de présenter des éléments du fait laissant supposer l’existence d’une discrimination.

4/ La position de la FNTR

La décision de la Cour de cassation ne préjuge pas de l’issue finale du dossier puisque l’affaire a été renvoyée devant une autre Cour d’appel.
Mais elle doit être approuvée car elle a le mérite de la clarté en rappelant l’approche qui doit être retenue par les juges dans leur analyse.

 

La salariée aurait dû produire des éléments de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination. Mais lesquels ? Là encore, la Cour de cassation a apporté certaines précisions.

 

La Cour de cassation a en effet énoncé qu’il pouvait s’agir du « refus, même implicite, de l'employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d'aménagements raisonnables » « le cas échéant, sollicités par le salarié ou préconisés par le médecin du travail ou le CSE », ou bien encore de « son refus d'accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d'aide à l'emploi des travailleurs handicapés pour a recherche de telles mesures »

 

Pour décider de la cassation, l’arrêt ici commenté se réfère notamment à une convention internationale et à une directive européenne : la Convention relative aux droits des personnes handicapées signée à New-York le 30 mars 2007 et la directive du Conseil n°2000/78/CE du 27 novembre 2000.

 

Or, ces deux textes se réfèrent à la notion d’« aménagement raisonnables ». Cette notion est définie comme suit par la Convention de New-York : « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n'imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales ».

 

La notion apparaît essentielle puisque la Cour de cassation y fait une référence explicite en considérant comme étant un élément de fait susceptible de laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur le handicap, le « refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables ».

5/ Lien utile




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