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Précisions de la Cour de cassation sur les différences de traitement entre travailleurs sur site et télétravailleurs
Dans un arrêt de principe du 24 avril 2024, promis à publication, la Cour de cassation a confirmé qu’une différence de traitement entre salariés présents physiquement et salariés en télétravail pouvait se justifier de manière objective, et donc être valable.
1/ Rappel du cadre juridique applicable
Le Code du travail, en son article L1222-9, pose la règle selon laquelle le principe d’égalité de traitement des salariés s’applique également aux salariés en situation de télétravail.
2/ Les circonstances du litige
Pendant la crise sanitaire liée au covid-19, une entreprise a mis en place un plan de continuité d'activité prévoyant :
- la mise en place d'un service minimum assuré par les agents de terrain ;
- le placement en télétravail des salariés dont le poste le permettait.
Dans ce cadre, un accord d’entreprise à durée déterminée, puis un engagement unilatéral, ont prévu une «indemnité de cantine fermée» au profit des salariés travaillant sur site et qui déjeunait habituellement au restaurant d’entreprise.
Une organisation syndicale (la CGT Energie) a contesté le bien-fondé de la mesure et demandé à ce que l’indemnité bénéficie également aux télétravailleurs.
Le tribunal judiciaire dans un premier temps, puis la Cour d’appel de Versailles dans un second temps, ont rejeté la demande de l’organisation syndicale.
Celle-ci a alors formé un pourvoi en cassation en invoquant plusieurs arguments :
- le fait qu’un télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise et que partant de ce constat, la cour d’appel, en ne se fondant que sur le lieu de travail pour écarter toute atteinte au principe d’égalité de traitement, n’avait pas respecté ce principe ;
- le fait que les travailleurs placés en télétravail étaient tout autant privés de la cantine d’entreprise que les salariés sur place du fait de leur placement à distance, qu’aucune différence de traitement ne pouvait alors être justifiée de manière objective et pertinente ;
- le fait que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entrainer aucune charge financière pour les travailleurs. Or, la mise en télétravail induisant une prise de repas à domicile impliquant une charge financière supplémentaire, le principe d’égalité de traitement avait été méconnu.
3/ La solution de la Cour de cassation
Dans un arrêt du 24 avril, la Haute Juridiction a débouté le syndicat de sa demande et a confirmé confirme les positions judiciaires antérieures. Elle a justifié de sa position par plusieurs éléments :
- elle a relevé que les salariés en situation de télétravail n’avaient pas vocation à fréquenter le restaurant d’entreprise, et qu’en conséquence la fermeture administrative du restaurant n’entrainait pas de charge financière supplémentaire ;
- que les travailleurs sur site et les télétravailleurs ne se trouvaient pas dans une situation professionnelle identique, l’indemnité de cantine fermée ayant pour objet de compenser la perte du service offert aux salariés présents sur le site.
4/ La position de la FNTR
La décision de la Cour de cassation doit naturellement être approuvée.
Elle se caractérise par son pragmatisme : elle ne remet pas en cause le principe d’égalité de traitement entre travailleurs et télétravailleurs qui subsiste, mais le modère ce premier en le confrontant à un principe de réalité.
La Haute Juridiction considère en effet qu’une exacte similitude de situation ne puisse être considérée, relevant que, par définition, des télétravailleurs n’ont pas vocation à pouvoir prétendre à la cantine d’entreprise.
Ne pas retenir une telle solution aurait conduit à avantager de manière injustifiée les télétravailleurs aux travailleurs sur site, qui devaient l’être pour des raisons opérationnelles.
Cette décision est donc bienvenue, sécurisant les pratiques managériales. Elle a également le mérite de rappeler que le principe d’égalité de traitement ne peut être invoqué en-dehors de réalités professionnelles objectives.
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