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Précisions du Conseil d’Etat concernant le consentement individuel des salariés à la déduction forfaitaire spécifique (DFS)
Dans un arrêt du 29 novembre 2023, le Conseil d’Etat vient de rendre un arrêt concernant le consentement individuel des salariés à la déduction forfaitaire spécifique (DFS). Il remet en cause l’une des dispositions du Bulletin Officiel de Sécurité Sociale (BOSS).
1/ Rappel du cadre juridique applicable
Il existe, dans certains secteurs d’activités dont celui des transports routiers, un mécanisme dit de déduction d’abattement forfaitaire sur les salaires de 20% maximum (DFS).
Le principe de cet abattement consiste en une réintégration des frais professionnels dans l’assiette de cotisations sociales afin d’y appliquer un abattement.
Cette déduction peut être mise en place, soit par accord avec le Comité social et économique (CSE), et à défaut, par accord individuel des salariés concernés chaque année. L’application de cette DFS a pour effet une diminution de la base de cotisations sociales ayant pour conséquence une augmentation du salaire net du salarié, mais en parallèle, une diminution des prestations sociales (maladie, rente accident du travail, retraite, chômage)
Les pouvoirs publics souhaitant une suppression de la DFS dans les derniers secteurs dans lesquels cet abattement était encore applicable, la FNTR s’est démenée auprès des pouvoirs publics afin qu’une sortie juridiquement sécurisée et étalée dans le temps de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) puisse être mise en place.
Des mesures transitoires ont donc été intégrées au sein du Bulletin Officiel de Sécurité Sociale (BOSS) en janvier 2023.
L’un des points importants est celui du consentement des salariés.
2/ Principes contenus dans le BOSS concernant le consentement des salariés
Pour les sociétés appliquant déjà la DFS et ayant recueilli le consentement des salariés avant le 1er janvier 2023, ce consentement a vocation à couvrir la totalité de la période transitoire. En d’autres termes, les employeurs n’auront plus à demander chaque année le consentement de leurs salariés pour l’application de la DFS et ce jusqu’en 2034, si le consentement avait bien été recueilli avant le 1er janvier 2023.
En revanche, s’agissant des entreprises qui n’avaient pas institué de DFS avant le 1er janvier 2023 ou des entreprises qui n’avaient pas recueilli le consentement de leurs salariés pour l’application de la DFS avant le 1er janvier 2023, le principe est différent : ces entreprises sont tenues de recueillir le consentement individuel des salariés (à compter du 1er janvier 2023) mais ils n’auront à le recueillir qu’une seule fois pour une application de la DFS jusqu’en 2034.
Le point 2330 du BOSS énonce : «l’application de la déduction forfaitaire spécifique à tout salarié embauché à compter du 1er janvier 2023 est quant à elle conditionnée au recueil de son consentement et vaut jusqu’à extinction du dispositif. Lorsque le travailleur ne répond pas à cette consultation, son silence vaut accord».
Cependant, ce point vient d’être remis en question, pour le secteur des journalistes, par le Conseil d’Etat.
3/ L’arrêt du Conseil d’Etat du 29 novembre 2023
Le point 2330 du BOSS a été contesté par plusieurs organisations syndicales de la branche d’activité des journalistes.
Par un arrêt rendu le 29 novembre 2023, le Conseil d’Etat vient annuler la validité d’un paragraphe le paragraphe 2330) du Bulletin officiel de la Sécurité sociale (BOSS). Ce paragraphe prévoit la dérogation offerte aux entreprises appartenant à certaines branches d’activités (journalistes, BTP, propreté, aviation civile et transport routier de marchandises) de ne pas consulter annuellement les salariés sur la poursuite de l’application de la déduction forfaitaire spécifique : l’accord donné une fois vaut sans limite de temps.
Le Conseil d’Etat, ayant été saisi par des syndicats de journalistes, ne prononce l’annulation du paragraphe que pour les journalistes, ce qu’il indique d’ailleurs expressément dans son arrêt.
Quid des autres secteurs d’activités concernés par cette dérogation ? Les arguments mis en avant par le Conseil d’Etat dans son arrêt semblent recevables de la même sorte pour les salariés appartenant aux autres secteurs d'activités.
Néanmoins, on peut également penser que faute d'un recours engagé dans les délais, des OS qui agiraient aujourd'hui seraient forclos. Ceci étant entendu, un contentieux peut toujours être initié par un salarié individuellement.
La Haute Juridiction administrative souligne, dans le point 5 de l’arrêt, bien que le BOSS a la faculté de prévoir des dérogations au principe du consentement annuel des salariés. Les juges administratifs posent cependant une double condition :
- le BOSS aurait dû rappeler la possibilité pour les salariés concernés de mettre fin, ultérieurement, à leur accord pour l’option exprimée par l’employeur en faveur de la DFS ;
- le BOSS aurait dû préciser que l’employeur devait à nouveau recueillir le consentement du salarié, en particulier dans l’hypothèse où l’employeur l’aurait sollicité pour une période précise, par exemple une année.
4/ La position de la FNTR
Il conviendra d’être attentif à la façon dont la Direction de la Sécurité Sociale (DSS) va réagir à cet arrêt du Conseil d’Etat, lequel s’avère particulièrement formaliste.
En tout état de cause, les entreprises dont la mise en place de la DFS implique des consentements individuels de salariés sont invitées à la plus grande prudence sur ce point.
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