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Impact d’un changement du bulletin de salaire sur la modification du contrat de travail : précisions de la Cour de cassation
Dans un arrêt du 13 mars 2024, la Cour de cassation a énoncé qu’un employeur n’était pas fondé à afficher sur deux lignes distinctes du bulletin de paie du salarié les heures de travail et les heures de repos rémunérées au même taux horaire alors que précédemment seules les heures de travail étaient indiquées pour un nombre d'heures totales équivalent. Sans l’accord exprès du salarié, cette nouvelle présentation constitue selon les juges une modification du contrat de travail.
1/ Rappel des principes applicables
De manière constante, la chambre sociale de la Cour de cassation, affirme que la durée contractuelle du travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié.
Pour la Haute Juridiction, dès lors qu'elle est expressément prévue au contrat de travail ou encore contractualisée, la durée du travail ne peut pas être unilatéralement modifiée par l'employeur.
Il en est ainsi de l'augmentation comme de la réduction de la durée du travail, peu important, à cet égard, que la modification opérée n'ait pas d'impact négatif sur la rémunération.
2/ Les circonstances du litige
Dans cette affaire, une salariée embauchée en qualité d’employée libre-service à temps partiel reprochait à son employeur d’avoir modifié unilatéralement son temps de travail.
En effet, après avoir figuré sur une seule ligne de son bulletin de paie pendant 13 ans, son salaire mensuel pour 130 heures de travail faisait désormais l’objet de 2 lignes distinctes, l’une correspondant aux heures de travail proprement dites (à hauteur de 123,80 heures), l’autre au temps de pause (6,20 heures).
La salariée a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de salaire.
La Cour d’appel a débouté la salariée de la prétention en considérant qu’en dépit du changement d’affichage du salaire sur le bulletin de paie elle était toujours rémunérée 130 heures, les heures de travail et les temps de pause étant payés au même taux horaire.
Pour les juges du fond, il n’y avait donc pas eu modification unilatérale du contrat de travail.
La salariée a alors formé un pourvoi en cassation.
3/ La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation a énoncé qu’en l’absence d’accord de la salariée, l’employeur ne pouvait pas modifier unilatéralement la présentation du bulletin de paie, peu important la rémunération conventionnelle du temps de pause au même taux horaire que le temps de travail.
La Haute Juridiction a rendu sa décision au visa des articles L1221-1 du Code du travail et l’ancien article 1134 du Code civil (devenu depuis l’article 1103) respectivement relatifs au consentement des parties contractantes et à la bonne foi contractuelle.
4/ La position de la FNTR
A première vue, la solution retenue semble assez rigoriste dans la mesure où les conditions de travail effectives de la salariée n’ont pas été affectée d’une quelconque manière.
Il faut donc considérer que la chambre sociale de la Cour de cassation juge que la seule modification de l’affichage de la durée du travail sur le bulletin de paie constitue une modification du contrat de travail, fautive hors consentement exprès du salarié.
C’est le découpage tel que prévu par le bulletin de salaire qui est sanctionné, car les juges ont estimé qu’une telle approche avait nécessairement pour effet de modifier la durée contractuelle de travail de la salariée, celle-ci n’ayant pas le même objet que la pause.
En tout état de cause, cet arrêt doit inviter les entreprises à la plus grande prudence dans la construction ou les évolutions envisagées en matière de bulletin de salaire.
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