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Jurisprudence : Application par la Cour de cassation de sa nouvelle jurisprudence sur l’utilisation devant les tribunaux de procédés de preuve illicites

20 février 2024 Juridique et Social
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Dans un arrêt du 14 février 2024, la Cour de cassation fait application de sa jurisprudence de 2023 relative à la recevabilité devant les juridictions du travail de procédés de preuve déloyaux.

 

1/ Les faits du litige

Les faits se sont déroulés dans une pharmacie. Les salariés avaient été informés de la mise en place d’un système de vidéosurveillance pour des raisons de sécurité (biens et personnes) par une note de service qui avait été signée par les salariés.

Après deux inventaires réalisés entre le 2 et le 3 juin 2016, l’employeur avait constaté des écarts de stocks injustifiés sur 2 produits. Dans un premier temps, l’employeur avait envisagé l’hypothèse de vols commis par des clients. L’employeur avait visionné les enregistrements des caméras placées dans l’officine, et ce, sans résultat.

Il a alors suivi les produits lors de leur passage en caisse tout en croisant les séquences vidéo sur lesquelles apparaissaient les ventes de la journée avec les relevés des journaux informatiques de vente, et ce pendant au moins deux semaines. C’est là qu’il a constaté les anomalies des opérations d'une salariée qui a été licenciée pour faute grave.

La salariée, estimant que les salariés avaient été placés sous surveillance constante, a contesté son licenciement. Elle considérait donc que ce procédé portait une atteinte disproportionnée à sa vie privée. L’employeur aurait pu atteindre le même résultat en utilisant d’autres moyens plus respectueux de sa vie personnelle notamment en visionnant les seules vidéos correspondant aux deux journées d’inventaires.

La salariée invoquait également l’absence de consultation préalable des représentants du personnel ainsi que d’informations des salariés concernés.

Mais la Cour d’appel n’a pas été sensible à son argumentation et l’a débouté de ses demandes. La salariée a donc formé un pourvoi en cassation.

2/ La position de la Cour de cassation

La Cour de cassation a approuvé la décision de la Cour d’appel en considérant qu’elle avait bien mis en balance le droit au respect de la vie privée de la salariée et le droit de l’employeur au bon fonctionnement de son entreprise. Elle a tenu compte du but légitime poursuivi par l’entreprise qui était de veiller à la protection de ses biens.

La cour d’appel a retenu que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par le seul dirigeant de l’entreprise.

Pour la Cour de cassation, les juges du fond ont ainsi utilisé le bon raisonnement en mettant «en balance de manière circonstanciée le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l'entreprise, en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l'entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens».

Les données issues des vidéosurveillances étaient indispensables à l’exercice du droit de preuve de l’employeur et proportionnées au but poursuivi. Les pièces bien que litigieuses étaient recevables et le licenciement justifié.

3/ La position de la FNTR

En application de l’ancienne jurisprudence, Un dispositif de vidéosurveillance mis en place sans avoir informé les salariés est illicite. En cas de litige, les enregistrements obtenus ne sont pas recevables devant un tribunal.

Mais depuis les revirements de jurisprudence du 8 mars 2023 et du 22 décembre 2023 (fondés sur les solutions retenues par la Cour Européenne des Droits de l’Homme), il est désormais possible d’utiliser devant les tribunaux des moyens de preuve illicites (c’est-à-dire mis en place sans respecter les obligations d’information incombant à l’employeur à l’égard des salariés concernés, des représentants du personnel et, le cas échéant, de la CNIL).

Il faut cependant que ces éléments respectent un double critère :

  • être indispensables à l’exercice du droit à la preuve ;
  • et que l’atteinte à la vie personnelle du salarié soit strictement proportionnée au but poursuivi.

C’est au cas par cas que la situation va être appréciée par les juges. Les entreprises doivent donc se montrer très prudentes dans l’utilisation de ce type de preuve.

Il faut également rappeler que les salariés ont la possibilité de faire de même, sous réserve de respecter les deux règles précédemment évoquées.

4/ Lien utile




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