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Jurisprudence : Rappel de la Cour de cassation concernant la qualification juridique des temps de mise à quai
Dans un arrêt du 28 février 2024, la Cour de cassation rappelle quelques règles applicables en matière de temps de mise à quai et de l’articulation avec la notion de temps de travail effectif.
1/ Les circonstances du litige
Un salarié a été embauché en qualité de conducteur routier, le 2 mai 2017. Il a présenté sa démission le 7 juin 2019. Il a par la suite, le 17 mai 2020, décidé de saisir la juridiction prud'homale le afin d'obtenir la requalification de cette démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes.
La Cour d’appel a fait droit à la demande du salarié : elle a considéré que cette période de mise à quai, qui suppose du salarié qu'il reste à proximité du camion et a fortiori à la disposition de l'employeur, devait dès lors être comptabilisée comme du temps de travail effectif.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation. Son argumentaire était le suivant : «la seule circonstance, même si elle était avérée, que le conducteur routier demeure présent pendant que son camion est chargé ou déchargé ne suffit pas à établir qu'il s'agit d'un temps de travail effectif, faute de caractériser en quoi, pendant cette période, l'employeur [lui] donne encore des directives, l’empêchant de disposer librement de son temps et de vaquer à ses occupations personnelles».
2/ La solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation a annulé sur ce point la décision de la Cour d’appel.
La Haute Juridiction a estimé que les juges du fond n’avaient pas établi que, durant les périodes d’attente, le salarié était demeuré à la disposition de l'employeur et devait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
3/ L’analyse de la FNTR
Cette décision n’est pas surprenante au regard de la jurisprudence sur les temps d’attente. Il faut avant tout rappeler que doit être considéré comme étant du travail effectif, rémunéré comme tel, le temps pendant lequel le salarié se trouve à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles (Code du travail, article L3121-1).
C’est donc en définitive la notion de travail effectif qui s’oppose au repos, c’est-à-dire, selon l’article L3121-1 du Code du travail.
A titre d’illustration, s’agissant d’un temps d’attente de 5 heures en zone de fret, pendant lequel le conducteur n’est pas «directement à la disposition de son employeur, ne peut pas faute d’en avoir matériellement la possibilité, utiliser librement son temps pour vaquer à ses obligations personnelles», la question a été posée de savoir s’il s’agissait d’un temps de repos ou de travail effectif.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 avril 2010, avait refusé la qualification de temps de travail effectif, considérant qu’il n’était pas constaté que «pendant son temps d’attente, le salarié, qui n’était pas appelé à participer aux opérations de déchargement et de chargement du courrier, se trouvait à la disposition de l’employeur et tenu de se conformer à ses directives».
La même solution a été retenue dans un autre arrêt rendu la même année (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2010).
Il est possible de fournir une autre illustration : dans un arrêt du 8 février 2017, la Cour de cassation a estimé qu’en se trouvant dans son camion en vue de le surveiller, le salarié est bien à la disposition de son employeur et doit se conformer à ses directives (surveiller le camion) sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Dans un arrêt plus ancien, en date du 6 mai 2009, la chambre sociale de la Cour de cassation a qualifié de temps d’attente à rémunérer un temps pendant lequel le conducteur pouvait être amené à rendre des services à la demande de l’employeur (ou du client), alors que ce dernier «ne pouvait déterminer à l’avance le temps exact pendant lequel le chauffeur devait sélectionner son positionnement en “repos” ou en “attente” […]» Ainsi, «ces temps de service devaient être qualifiés non de temps de repos mais de temps d’attente pris en compte pour 100 % de leur durée par la convention collective des transports routiers applicable».
En définitive :
- Le temps d’attente n’est pas automatiquement du temps de travail effectif.
- En fonction des circonstances d’espèce, il peut cependant être qualifié comme tel. Naturellement, si le conducteur est véritablement libre de vaquer à ses occupations personnelles (et il est dans ce cas judicieux qu’il existe un local adapté chez le client), a priori le temps d’attente ne constituerait pas juridiquement du temps de travail effectif.
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