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L’employeur qui juge l’exercice d’un droit de retrait injustifié peut procéder à une retenue sur salaire sans obligation de saisir préalablement le juge

24 mai 2024 Juridique et Social
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Dans un arrêt promis à publication du 22 mai 2024, la Cour de cassation a considéré qu’un employeur estimant non-fondé l’exercice par un salarié de son droit de retrait pouvait valablement procéder à une retenue sur salaire sans devoir saisir préalablement le juge.

 

1/ Rappel de la notion de droit de retrait

Le droit de retrait est consacré par la loi. En effet, l’article L4131-1 du Code du travail énonce : «Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d'une telle situation.

L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection».

 

Le salarié doit avoir une croyance raisonnable en un danger grave et imminent. La notion de «danger grave et imminent » n’est définie nulle part. Il est donc à l’appréciation personnelle de chacun. En cas de litige avec l’employeur, la Cour de cassation appréciera « si le salarié justifiait d’un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé».

 

Toute la difficulté réside donc dans l'évaluation de cette gravité : le danger incriminé ne doit pas être un simple risque lié aux conditions de travail, mais être susceptible de porter rapidement atteinte à la vie ou à la santé du salarié.

 

IMPORTANT : le droit de retrait se distingue du droit de grève (qui réside dans une cessation collective et concertée du travail en vue de tenter d’obtenir la satisfaction de revendications professionnelles). Contrairement au droit de grève, le droit de retrait, lorsqu’il est juridiquement fondé, ne peut pas donner lieu à quelque retenue sur salaire que ce soit.

 

En effet, l’article L4131-3 du Code du travail prévoit qu’aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux.

2/ Le litige : la réaction de l’employeur

Lorsque le droit de retrait n’est pas juridiquement fondé, l’employeur peut :

  • prendre une sanction disciplinaire (mise à pied, avertissement ou même licenciement disciplinaire) à son encontre (comme un acte d’insubordination) ;
  • pratiquer une retenue sur son salaire, en raison d’un travail non fait (il ne s’agit donc pas d’une sanction pécuniaire, qui serait interdite).

Dans cette affaire, au cours de l'année 2016, des salariés personnel navigant commercial (PNC) de la société Air France avaient exercé leur droit de retrait, l'employeur procédant alors à une retenue sur leurs salaires.

 

Le syndicat Union syndicale d'Air France (UNSA-SMAF) et le Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC) (les syndicats) avaient alors saisi le tribunal judiciaire afin qu'il soit fait interdiction à la société de pratiquer à l'encontre du personnel navigant commercial exerçant son droit de retrait une retenue sur salaire en l'absence de décision judiciaire déclarant abusif ou non fondé le droit de retrait.

 

Mais la Cour d’appel les a déboutés de leur demande. Les syndicats ont alors formé un pourvoi en cassation.

3/ La solution de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 22 mai 2024, la Cour de cassation a approuvé la décision de la Cour d’appel.

 

La Haute Juridiction a commencé par rappeler les principes applicables à l’exercice du droit de retrait par un salarié, puis a énoncé : «lorsque les conditions de l'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s'expose à une retenue sur salaire, sans que l'employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l'exercice de ce droit par le salarié».

 

La Cour de cassation a considéré que l’employeur pouvait (sans que cela ne soit une sanction) procédé à une retenue sur salaire s’il estimait que les conditions de l’exercice du droit de retrait n’étaient pas réunies, sans avoir à saisir en amont le juge pour disposer d’une décision sur le fond.

4/ La position de la FNTR

L’arrêt de la Cour de cassation mérite d’être approuvé : il est empreint de pragmatisme. Une solution contraire aurait pu aboutir à certains abus.

Il est en effet arrivé que certains tentent d’instrumentaliser, par le passé, le droit de retrait afin d’éviter d’utiliser le droit de grève, et donc de pouvoir prétendre au paiement de jours non-travaillés.

 

La solution retenue présente un double mérite :

  • celui de la responsabilisation commune du salarié (qui évitera de recourir excessivement au droit de retrait, sous peine d’encourir une retenue sur salaire immédiate) et de l’employeur (qui devra immédiatement s’assurer du sérieux de la situation, et faire cesser sans délai une situation objectivement très dangereuse si elle existe) ;
  • celui d’éviter une lourdeur de gestion de ce type de contentieux, avec un appel immédiat au juge qui pourrait prendre énormément de temps.

La Cour de cassation n’a pas voulu appliquer le principe du paiement préalable qui existe en cas de contestation par l’employeur des heures de délégation de représentants du personnel au droit de retrait.

5/ Lien utile




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